Renseignement : les entreprises scrutent le deep web

Espion de l'ombre

La veille stratégique des entreprises n’exclue pas le deep web, ou web profond, cette part discrète d’Internet où échangent terroristes et criminels mais aussi simples passionnés d’innovation.

Internet mis sous surveillance. En réponse aux attentats qui ont frappé la France en janvier, le gouvernement multiplie les annonces vantant le renforcement des moyens pour détecter la préparation en ligne d’actes terroristes. Jeudi 19 mars, Manuel Valls a présenté à l’issu du conseil des Ministres un projet de loi sur le renseignement . Objectif : mieux repérer les signaux faibles émis par la nébuleuse terroriste. A leur manière, et avec des méthodes bien moins intrusives, les entreprises aussi surveillent les communications électroniques, des réseaux sociaux au deep web. Le risque terroriste n’est pas leur seule préoccupation.

« De nombreuses menaces se manifestent sur le deep web, où les acteurs évoquent leurs projets d’actions futures », souligne Stewart Bertram, spécialiste de la cyber-intelligence pour Control Risk.. Terrorisme donc, mais aussi instabilité politique, trafic de contrefaçons, tentative d’extorsion de fonds (fraude au président) suintent après analyse de ses échanges discrets mais bien souvent publics malgré tout. Le web profond, couramment appelé par sa terminologie anglaise « deep web », regroupe la part du web difficile d’accès pour le commun des internautes car pas ou mal répertorié par les moteurs de recherche traditionnels, Google, Yahoo! ou Bing. En plus d’être peu visibles, ces pages web s’apparentent aussi à des « ilots » sur Internet, non reliés par des liens html au reste du réseau. S’y trouvent des forums si spécialisés qu’ils ne sont connus que des initiés ou des bases de données trop riches pour être entièrement indexées par les moteurs de recherches. Pour y accéder, il faut soit connaître l’adresse url exacte, soit passer par des portails eux-mêmes confidentiels. Une partie, mais seulement une partie, demande des outils d’anonymisation pour s’y connecter.

Identifier les sources sur le deep web

Avec ces informations, les entreprises évaluent plus précisément les risques sur leurs marchés internationaux. Et en tire les conséquence en matière d’implantation. « Pour qui veut faire de la veille économique ou scientifique, il est difficile de se passer de surveiller le deep web », relève Christophe Asselin, analyste pour Digimind, un éditeur de logiciels de veille stratégique. Tout commence par identifier les sources, c’est-à-dire les pages web où les informations échangées concernent, de près ou de loin, le secteur économique et les lieux où évolue l’entreprise. Les mouvements d’un groupe paramilitaire peuvent être suivis avec tout autant de précision sur le deep web que sur le terrain. Une fois les sources repérées, un système de tracking et d’alerte, par mots-clés, est mis en place. En plus, une surveillance manuelle est indispensable pour repérer la création de nouvelles pages.

Attention à ne pas associer deep web est activités illégales. Des sites hyperspécialisés échappent aussi au référencement naturel des grands moteurs de recherche. Ainsi, « une grande entreprise innovante a constaté que ses propres salariés, des ingénieurs, se vantaient un peu trop de leurs travail sur un forum de connaisseurs », note Christophe Asselin. Une activité online anodine mais qui peut avoir de graves conséquences sur le retour sur investissement d’une entreprise.